Des observateurs de l’UA saluent “le bon déroulement du scrutin” au cours d’une interview sur Afrique Media (Photo Afrique Media)
Alors que la Mission d’Observation de l’Union africaine salue le bon déroulement des élections législatives au Burundi, les partis d’opposition dénoncent un processus électoral verrouillé, injuste et opaque. Deux lectures irréconciliables d’un même événement politique. Et une fracture qui interroge l’utilité réelle des institutions panafricaines.
Il y a quelques années, un diplomate africain m’a confié, un brin désabusé, ce qu’il pensait des fameuses « missions d’observation électorale » de l’Union africaine. Pour lui, ce n’était guère plus qu’un rituel diplomatique bien huilé, un folklore destiné à donner une façade légitime à des scrutins joués d’avance. « À moins d’un scandale manifeste impossible à ignorer, les déclarations sont prêtes. Il suffit de changer le nom du pays et la date du scrutin », m’avait-il lancé.
J’avais souri, pensant qu’il forçait un peu le trait.
Mais ce samedi 7 juin, en lisant la déclaration préliminaire de la Mission d’Observation de l’Union africaine (MOE-UA) au Burundi, cette confidence m’est revenue, comme une évidence.
La MOE-UA salue en effet des élections organisées dans un climat « calme » et « républicain ». Elle félicite les institutions, le peuple et les partis politiques pour leur « sens de responsabilité et de retenue ». Les observateurs insistent sur la bonne tenue du scrutin dans les zones couvertes, notent quelques « défis techniques » — retards dans certains bureaux de vote, problèmes d’éclairage, accessibilité limitée — mais rien, selon eux, qui n’entache la crédibilité du processus.
« La Mission relève le professionnalisme de la CENI, du personnel électoral et des représentants des candidats », lit-on dans la déclaration.
Extrait de la déclaration de l’UA
Face à cette lecture modérée et institutionnelle, une autre réalité s’exprime, bien plus sombre : celle dénoncée dans une lettre ouverte adressée au Président de la République par plusieurs partis politiques d’opposition, dont le CNL, l’UPD, le FRODEBU et d'autres.
Dès les premières lignes, le ton est donné : « Nous constatons avec amertume que le processus électoral en cours est biaisé, opaque et injuste. » Les signataires accusent le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, d’avoir confisqué l’élection en utilisant à son avantage les moyens de l’État, les médias publics et l’appareil administratif. « La CENI ne joue plus son rôle d’arbitre neutre, mais agit comme un instrument au service du pouvoir », dénoncent-ils encore.
Ils pointent également des irrégularités majeures dans la distribution des cartes d’électeurs : « De nombreux citoyens n’ont pas reçu leur carte d’électeur à temps ou ont été écartés des listes sans justification. »
Deux lectures donc. L’une institutionnelle, diplomatique, qui souligne une souveraineté renforcée par le financement intégral du scrutin par le budget national — « ce qui renforce la souveraineté », écrit l’UA. L’autre, politique, qui y voit un verrouillage du processus à l’abri de toute observation réellement indépendante : « Nous demandons la réforme immédiate de la CENI et la mise en place d’un cadre consensuel assurant une compétition électorale juste. »
Il y a comme une amère ironie. Pendant des années, les missions d’observation venues d’Europe étaient accusées d’ingérence et de néocolonialisme. Les leaders africains réclamaient alors le droit de conduire leurs processus électoraux eux-mêmes, sans tutelle extérieure. Une revendication légitime. Mais pour quoi faire ?
Un instrument de légitimation des pouvoirs
Aujourd’hui, ce sont les missions africaines qui cautionnent des scrutins contestés, sans interroger le fond. Elles ne trahissent pas seulement leurs principes. Elles brisent l’espoir des citoyens de voir l’Union africaine porter leurs aspirations démocratiques.
Hier comme aujourd’hui — et sans doute demain — les rapports complaisants de l’UA servent de caution morale à des régimes autoritaires. Cette validation externe permet aux pouvoirs en place de balayer les critiques internes et de s’armer d’une légitimation internationale pour poursuivre leurs pratiques.
Trois dérives alimentent ce désenchantement. D’abord, l’UA privilégie la stabilité diplomatique entre États au détriment des revendications populaires. Ensuite, elle nie la légitimité des contestations locales en s’alignant sur les résultats proclamés. Enfin, elle utilise un langage édulcoré, qui transforme les violations graves en « défis » et les dérives en « particularités nationales ».
Ce positionnement, qui ne se limite pas au Burundi, explique pourquoi les peuples africains perçoivent de plus en plus l’Union africaine comme un instrument de légitimation des pouvoirs en place, et non comme un défenseur de leurs droits.
L’institution panafricaine aurait pu incarner une alternative crédible aux influences extérieures, et porter haut les valeurs de démocratie participative, de justice électorale et de transparence. Elle ne l’a pas fait. Et c’est un immense gâchis.
Mais finissons sur une note plus légère. Le diplomate que j’évoquais au début me confiait aussi que ces missions sont fort prisées. On y retrouve souvent d’anciens ministres, des ex-présidents, des figures en reconversion. Selon l’UA, celle envoyée au Burundi est conduite par “Son Excellence Vincent Meriton, ancien Vice-Président de la République des Seychelles.” Partout, les observateurs sont toujours bien accueillis, bien logés, bien nourris. L’ambiance est cordiale, le décor bien en place.
Et puis, Bujumbura est une ville agréable. Les Burundais savent recevoir.
Là-dessus, aucun doute…
Et vous, croyez-vous encore que l’Union africaine puisse être une véritable garante de la démocratie sur le continent ? Partagez-nous votre avis.
Les dés sont jettés et le Rubicon de la démocratie est franchi au Burundi. 100/100 CNDD-FDD !
"He who pays the piper calls the tunes" Par là je voudrais pointer au fait que presque la quasi totalité du budget opérationnel de l'UA est payé par l'EU. C'est normal que ses représentants arrivent à de telles conclusions. Je suis certains qu'ils ont déjà préparé la même conclusion quand l'actuel president va gagner la re-election d'ici peu.
Comme je l'ai dit sur le papier d'hier, seul les Burundais sont responsable pour la situation actuelle. J'attends avec impatience la publication des chiffres pour me faire une idée. J'ai du mal à croire les Burundais vont continuer à creuser leurs tombes! La logique économique devrait dicter moins de votes CND-FDD relativement aux élections dernières!