J’ai failli intituler cette réflexion « Des ânes et des stats ». Mais au dernier moment, je me suis ravisé. Ce serait injuste et injurieux. Envers l’équidé, cela s’entend. Ce portefaix de l’homme depuis la nuit des temps, certes parfois têtu, ne mérite pas d’être dévalorisé. Même pas par un conseiller présidentiel…
Depuis quelque temps, les lecteurs ont pu lire sur X les foudres d’un conseiller du chef de l’État, après la publication d’une interview de l’économiste André Nikwigize qui, s’appuyant sur les chiffres de rapports d’institutions internationales, tirait la sonnette d’alarme sur la situation économique du pays. Ce qui a fait bondir le conseiller, qui a traité l’économiste de tous les noms, l’accusant de diffuser des « âneries » (désolé encore pour l’âne), et, plus grave encore, qualifiant le professeur de « marginal, dont le cerveau est sclérosé par la haine qu’il voue au pouvoir en place dans son pays. C’est un opposant radical notoire ».
Naïvement, j’ai cru que le conseiller du Président allait opposer à ces chiffres d’autres données, une contre-analyse. Non. Rien. Entre deux insultes, il a indiqué :
« C’est quoi ces chiffres… je te rappelle que je vis au #Burundi. C’est de la pire intox ce que vous faites. Juste pour votre info, il y a un mois j’ai fais le tour du pays dans sa partie Est. J’ai eu le temps d’observer comment vis la population ! »
Ce qui est arrivé après cette interview — manifestement mal reçue dans certains cercles du pouvoir — n’est pas une exception. Le professeur Nikwigize a notamment évoqué l’insuffisance alimentaire. Comme l’explique très bien un autre professeur, Jean Ndenzako, les statistiques sur la faim touchent directement à la légitimité politique et à l’image d’un gouvernement.
« Quand des chiffres alarmants circulent, cela peut être perçu comme une remise en question de l’efficacité des politiques publiques menées. »
Et d’ajouter :
« La dimension de fierté nationale ne doit pas non plus être négligée. Aucun pays n’aime voir ses difficultés exposées publiquement, particulièrement quand cela peut affecter sa réputation internationale ou ses relations avec les partenaires au développement. »
Le professeur Ndenzako va plus loin et reconnaît que des questions méthodologiques légitimes peuvent se poser. Les autorités nationales peuvent avoir des doutes sur la manière dont des statistiques sont collectées, sur les échantillons utilisés, ou encore sur la définition même des indicateurs de l’insécurité.
Mais la question n’est pas là. Il est normal — et sain — que ces rapports soient questionnés. Le vrai problème, c’est qu’au lieu d’engager un dialogue constructif, en privilégiant la collaboration technique et la transparence méthodologique, les défenseurs du régime basculent immédiatement dans l’insulte, l’accusation et la confrontation.
Notre métier, nous, journalistes, c’est de ne rien prendre pour acquis. S’interroger, douter, confronter. Certes, au Burundi comme ailleurs, il existe des journalistes (ou des intellectuels) qui s’inscrivent dans la ligne du pouvoir, en mettant en œuvre cette belle formule : « accompagner l’action gouvernementale ». C’est un choix. Sauf que les tenants de la ligne officielle cataloguent systématiquement ceux qui persistent à garder un esprit critique comme des ennemis du pays.
Lorsque j’ai insisté pour demander au conseiller ses propres sources, il a simplement répondu en publiant une photo de l’inauguration du barrage hydroélectrique de Jiji :
« Voici nos chiffres », a-t-il écrit.
Selon le professeur Ndenzako, cette réaction illustre un malentendu fondamental entre deux types de données, qui devraient être complémentaires plutôt qu’opposées.
« D’un côté, nous avons les réalisations concrètes comme ce barrage, qui représentent des investissements réels et des progrès tangibles. De l’autre, nous avons les statistiques socio-économiques, qui mesurent l’impact de ces réalisations sur les conditions de vie des populations. »
Ces deux dimensions ne se contredisent pas. On peut très bien avoir des infrastructures impressionnantes et, en même temps, des défis persistants en matière de sécurité alimentaire ou de pauvreté.
L’universitaire explique : “l’idéal serait d’utiliser ces réalisations concrètes comme point de départ pour réfléchir à la manière d’accélérer leur impact positif, plutôt que de les brandir comme boucliers contre toute critique.”
Cette méfiance envers l’intellectuel n’est pas propre au Burundi. Elle a été portée à son paroxysme par certains régimes totalitaires, comme celui des Khmers rouges, qui voyaient en lui une menace pour l’idéologie officielle. On connaît la suite : répression, purges, silence imposé.
Le Burundi n’en est pas (encore) là. Mais de plus en plus, la parole critique se fait rare — en particulier celle des intellectuels. Les journalistes d’Iwacu me confient leurs difficultés croissantes à faire parler politologues et universitaires. Beaucoup préfèrent désormais l’anonymat. Même les citoyens ordinaires se murent dans un silence prudent.
Sur WhatsApp, j’ai remarqué que certains messages sont supprimés par l’expéditeur avant même d’avoir été lus. Les plus méfiants envoient des messages à lecture unique, ou activent la fonction « message éphémère ». Ces petits gestes, en apparence anodins, révèlent une forme de peur. Une paranoïa pas totalement infondée : rappelons que la journaliste Sandra Muhoza est incarcérée… pour un simple message WhatsApp.
Alors, reste-t-il une place pour des voix indépendantes, critiques ? Il le faut. Dans un pays en construction comme le Burundi, l’intellectuel a un rôle essentiel : éclairer, questionner, proposer. Il ne doit pas se contenter de suivre le courant du moment. Le rendre responsable des dérives passées est une impasse.
Avait-il le moindre pouvoir sous les régimes militaires successifs au Burundi ? J’en doute. Et aujourd’hui, après des années de lutte pour, dit-on, instaurer un régime démocratique, le pouvoir devrait permettre un débat ouvert. Y compris sur les sujets qui fâchent. Comme des statistiques de la faim.
La solution ne réside ni dans les insultes, ni dans les catalogages, mais dans un dialogue sérieux, des formations renforcées pour les cadres nationaux, et des institutions comme l’ISTEEBU capables de produire une photographie fiable et locale de la réalité. Cela permettrait d’infirmer ou de confirmer, en toute souveraineté, les rapports des organisations internationales.
On reproche à nos intellectuels de dire des âneries. Soit. Mais au moins, eux, ils parlent. Car à force de faire taire tout le monde, on risque un jour de regretter… les âneries perdues.
Et vous, pensez-vous qu’il reste encore une place pour une pensée libre au Burundi?
Je ne pense pas que ce soit possible d'accorder la place au dialogue ou à la recherche. Déjà à voir le budget alloué à la recherche, on ne peut pas y attendre des données capables de "décrédibiliser" les "âneries".
Tout d'abord, mes remerciements a MrAndré Nikwigize et tous les âmes d'Iwacu qui ont tjrs le courage pointer les vérités qui dérangent. Le temps mettra tout cela au claire.
Voici une question à la diaspora Burundaise: Avez vous remarqué ce que nous coûte le Burundi? Si tout va bien au Burundi, pourquoi les transferts vers le Burundi ne cesse d’augmenter? Amusez vous à créer des courbes des dernières 5 ans, je vous jure que c'est un exercice très intéressant! Vous savez c'est qui est encore triste et révoltant ? Ce que les besoins de ceux qui sont au Burundi deviennent de plus en plus banales. Combien d'entre vous qui se trouvent obligés d'envoyer des medicaments vraiment si basique que on vérifie deux fois la demande? En 2025!
Dans la conversation de Mr Kaburahe et Mr Teddy Mazina, la conclusion était que "Seuls les Barundi sauveront le Burundi! Qui font vivre et garder le parti au pouvoir? Comme on dit "follow the money!".
La diaspora Burundaise joue un rôle hyper-important. Vous allez pas me croire, mais le Burundi n'a plus besoin d'exporter des marchandises qui demandent du vraie travail(café, thé, etc....), il exporte des Barundis qui leur envoient des devises chaque moi! Pourquoi pensez vous que le ministre d'affaires étrangères passe tellement son temps avec la diaspora Burundaise? C'est leur source de mane! Plus important que les aides bilatérales! Saviez vous que, par exemple, la personne réceptrice de transfer est limitée à $300/jour? Et encore il faut passer presque une journée en ligne devant une banque Burundaise comme si le pauvre Burundais n'a pas mieux à faire de sa journée! Il parait que au Burundais, se sont ajoutés les congolais(réfugiés de l'est du congo)! J'irai même pas dans le sujet concernant l’insécurité personnelle que ceci pause!
La situation économique au Burundi ne devrait pas produire les résultats électoraux que nous venons d'observer. Et non Le Murundi sait voter pour ses intérêts économiques. Ils l'ont déjà fait en 1993! Donc arrêtons de gaspiller, svp, notre temps et énergie sur les élections . Ces résultats défient toutes les theories socio-économiques ! une société qui a 45% de taux d'inflation, une société dans laquelle même si on a les moyens monétaire, pouvoir remplir une ordonnance d’antibiotique est une opération miraculeuse, ne peut pas avoir des leaders qui vont bien entre les deux oreilles!
Quand au barage hydro-électrique en question, le gouvernement ne peut pas prendre le credit. Tout ce qu'ils ont fait, c'est mètre moins d'obstacles à ceux qui l'on financé et superviser la construction. Espérons qu'ils(les politiciens) ne vont pas le pourrir avec leurs têtes corrompus! Je crois pas tellement aux miracles. Quand quelqu'un vous montre qui il est, pendant 20 ans, il faut le croire!
Guys, let's follow the money!