En tant qu’éditeur, j’ai accompagné de nombreux auteurs burundais. J’ai lu et édité des voix courageuses, des confessions dignes. Mais le livre qui sort bientôt m’a bouleversé d’une manière singulière, par sa force tranquille, sa vérité sans fard et sa lumière voilée d’une pudeur toute burundaise.
Ce livre raconte la trajectoire du Docteur Jean-Bosco Ndihokubwayo. Celle d’un enfant né dans un modeste coin du sud du Burundi, à Vyanda précisément. En 1972, son monde bascule : son père et plusieurs membres de sa famille proche sont tués, découpés à la machette, victimes d’une violence inouïe qui lacère les chairs et les destins. Le jeune garçon est alors confronté à la brutalité absolue, celle qui marque à jamais l’âme d’un enfant. Et pourtant, il refuse de sombrer.
Porté par une mère d’exception, il apprend à ne pas haïr. Elle lui enseigne, dans les silences et les gestes quotidiens, l’amour plutôt que le ressentiment, le discernement plutôt que la confusion, le refus de globaliser le mal, même lorsque tout inciterait à l’amertume. Elle lui transmet la résistance de la dignité : Ubuntu.
C’est l’école qui va sauver le jeune orphelin. Chaque jour, il apprend. Il avance. Assis sur un caillou tenant lieu de chaise à l’école primaire de Kaganza, il entre dans le monde par la porte étroite de la connaissance. Il deviendra médecin. Animé par une volonté d’aller loin, il croit en une Force supérieure :
« Ndiho-ku-bwayo signifie “je vis grâce à Lui”. Attention, je ne suis pas mystique. Je suis un scientifique, profondément cartésien et méthodique. J’ai étudié les cellules, l’infiniment petit, les microbes tels que les virus, les bactéries, les parasites et les champignons. Mais je crois aussi en l’infiniment grand, en cette Force qui m’a sauvé tant de fois et qui m’a tant donné. Elle a fait du petit berger de Mu Ngere, ce jeune écolier de l’école primaire de Kaganza en commune Vyanda, un haut fonctionnaire international de l’OMS. »
Ce livre est un hommage. À sa mère, à son père, à ceux qui l’ont soutenu, à son clan, Abazigaba. Pour le Docteur Ndihokubwayo, le clan est supérieur à l’ethnie :
« Dans mon enfance, je n’ai jamais entendu un quelconque antagonisme Hutu-Tutsi. On se définissait plutôt par clans, très solidaires, unis dans la joie et dans la peine, des clans qui vivaient en symbiose avec les autres. »
D’ailleurs, dit-il, “en 1972, supérieurs en nombre, les Hutu de mu Mbiga auraient pu nous anéantir tous dans notre coin. Au contraire, ils nous ont protégés.Nos relations étaient si fortes que nos aïeux avaient forgé une expression pour décrire ces liens : “ Aka Mbiga na Vyanda ", qui signifie "les secrets de la bonne cohabitation entre Mu Mbiga et Vyanda”.”
Il raconte merveilleusement bien, avec beaucoup d’humour aussi, cette douce harmonie entre les habitants autour de Kagoma, la colline de son enfance.
Dr Jean-Bosco Ndihokubwayo: “Une machette peut trancher une vie, mais jamais l’espoir.”
Ce livre n’est pas seulement une autobiographie. Nous, Burundais, avons souvent du mal à exprimer nos fragilités, à dévoiler nos blessures, à parler de nous autrement qu’en silence. Le Docteur Ndihokubwayo a laissé son cœur parler à travers ce livre. C’est un véritable manuel de vie, un guide pour ceux qui doutent. Il est la preuve éclatante que la grandeur peut naître même chez un enfant qui a appris à lire et à écrire assis sur un caillou.
Dans nos blessures les plus profondes peut naître notre plus grande force
Dans un pays où les cicatrices traversent les générations, où les collines ont bu trop de larmes et de sang, ce récit s’élève comme un murmure d’espérance. Il nous rappelle que même dans la terre la plus meurtrie peut germer une semence de paix. Que la haine n’est jamais la réponse, même face à l’indicible. Que choisir l’amour quand tout invite à la haine ou à la colère est le plus courageux des actes de résistance.
Et moi, l’éditeur, l’exilé, j’ai été édifié par ces pages. Elles m’ont rendu une part de ce que l’exil avait émoussé : la foi dans la force d’un récit vrai. La certitude que les mots peuvent éclairer. Parce qu’un livre peut réveiller, rassembler, apaiser. Et celui-ci le fait avec une pudeur toute burundaise.
Et dans le ciel qu’il aime tant contempler, là où brillent les étoiles silencieuses, il y a sans doute ce père, Alphonse Kivuvu, qui ne l’a pas vu grandir, mais qui doit aujourd’hui être fier de ce petit garçon qu’il avait jadis mené par la main vers Kaganza, traversant des rivières en crue, et qui a tracé son chemin dans les couloirs des plus hautes instances de la santé publique mondiale.
Ce qu’il nous offre ici est d’une valeur inestimable : la preuve vivante qu’un enfant blessé peut devenir un homme qui guérit. Qu’une machette peut trancher une vie, mais jamais l’espoir. Qu’un caillou peut être à la fois le siège d’un écolier et la première pierre d’un édifice lumineux.
Voici le message puissant que porte ce livre : au Burundi comme ailleurs, c’est dans nos blessures les plus profondes que peut naître notre plus grande force. Car la souffrance, loin de nous abattre, peut devenir cet élan qui nous pousse à nous élever, à transcender l’adversité et à transformer les épreuves en lumière.
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Sortie du livre: début juin.Vous pouvez déjà réserver votre exemplaire.
Contact avec l’éditeur: antoine@iwacupress.info
Contact avec l’auteur: jbndihokubwayo@hotmail.com